Par Anne Prigent - le 10/05/2012
Actuellement, le facteur le plus pertinent pour connaître l'agressivité d'un cancer de la prostate est le score de Gleason.
De nouveaux marqueurs apparaissent pour distinguer les tumeurs nécessitant un traitement et les autres.
À 60 ans, un homme sur trois a des foyers microscopiques de cancer dans la prostate, mais nombre d'entre eux n'évolueront pas ou peu. Alors comment faire la différence entre les cancers agressifs, justifiant un traitement car menaçant la vie d'un patient, de ceux d'évolution lente, nécessitant juste une surveillance? Actuellement, le facteur le plus pertinent pour connaître l'agressivité d'un cancer de la prostate est le score de Gleason, établi à partir d'échantillons de tissus prélevés par biopsies. «Cependant, l'analyse pathologique est subjective, et le score de Gleason est seulement une estimation qualitative de la malignité du cancer», souligne le Pr Qun Treen Huo de l'université de Floride, qui vient de développer une technique permettant de prédire avec exactitude l'agressivité d'un cancer de la prostate.
Pour cela, les chercheurs ont mélangé les tissus de la prostate prélevés par biopsie avec du sérum humain puis ont utilisé des nanoparticules d'or. Ces dernières détectent une réaction chimique spécifique entre une tumeur de la prostate et de l'immunoglobuline humaine G (IgG), selon le compte rendu de leurs travaux publiés dans Translational Medicine en mars dernier. Lorsque les cellules cancéreuses sont présentes, elles peuvent «détruire» l'IgG du sang, qui ne peut plus se fixer aux nanoparticules. Si le tissu prélevé est cancéreux, la taille des nanoparticules diminue proportionnellement à l'agressivité de la tumeur. «Cet article est expérimental. Nous voyons ses avantages potentiels, mais il nécessite de pratiquer une biopsie», souligne le Pr François Desgrandchamps, urologue à l'hôpital Saint-Louis (Paris). Un geste qui n'est jamais anodin. C'est pourquoi les médecins aimeraient avoir à disposition des marqueurs sanguins ou urinaires permettant de diagnostiquer et prédire l'agressivité d'un cancer de la prostate sans être obligé de pratiquer une biopsie.
Actuellement, elle est pratiquée lorsque l'antigène spécifique prostatique (PSA) augmente. Or le PSA est spécifique de la prostate et non pas du cancer. L'adénome de la prostate ou la prostatite peuvent également causer une élévation variable du taux de PSA. «La banalisation des dosages de taux de PSA est responsable de biopsies inutiles, de surdiagnostics et de surtraitements», rappelle le Pr Marc Zerbib, urologue à l'hôpital Cochin (Paris). Prochainement, un test de Pro PSA devrait être commercialisé. Le Pro PSA augmente si le cancer est agressif, mais comme pour le PSA, ce test est peu spécifique du cancer. D'où l'intérêt de nouveaux marqueurs biologiques. En France, le test urinaire PCA3, est disponible depuis 2010. Il est spécifique du cancer de prostate. Le marqueur est recherché dans les urines après massage prostatique, un toucher rectal pratiqué par l'urologue. «Il permet d'améliorer les indications de la biopsie», détaille le professeur Alexandre de la Taille, urologue au CHU Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). Chez les patients ayant un PSA élevé ou en progression mais ayant déjà eu une première série de biopsies négatives, le dosage de PCA3 peut guider le médecin dans sa décision ou non de refaire des biopsies. Si ce test est spécifique, pourquoi ne pas le prescrire en première intention? «Le test urinaire PCA3 est très spécifique, mais il est parfois négatif alors qu'il y a un cancer agressif. Si ce test est négatif, ce n'est pas forcément rassurant. C'est pour cela qu'il est prescrit en complément du taux de PSA», explique le Pr Olivier Cussenot, urologue à l'hôpital Tenon (Paris). Autre inconvénient de ce test: il n'est pas remboursé et coûte 300 euros.
En cours d'évaluation
D'autres marqueurs détectables dans les urines, comme le gène de fusion, retrouvé dans 50 % des tumeurs prostatiques, sont également en cours d'évaluation. «L'idée depuis cinq ans est de trouver un marqueur assez spécifique et fiable pour être sûr du diagnostic et du pronostic du cancer. Mais, pour le moment, ce test n'existe pas», met en garde le Pr Zerbib. La solution passera sans doute par l'association de plusieurs marqueurs biologiques.En attendant, certains spécialistes misent sur les progrès de l'imagerie, et notamment de l'IRM, pour affiner le diagnostic et éviter les biopsies inutiles. «Après une première biopsie négative, si aucun signal suspect n'est détecté à l'IRM, le cancer n'est pas significatif dans 90 % des cas. Même en cas de PSA élevé, d'autres biopsies sont inutiles», affirme le Pr François Desgrandchamps. Une perspective séduisante mais qui a peu de chance de devenir un examen de routine car il coûte cher et réclame des radiologues spécialisés.
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